L'eau à la bouche de José Manuel FAJARDO


"Le métro parisien est une leçon de géographie humaine. Hindous aux turbans typiques, Africaines fières en tuniques aux mille couleurs, musulmanes avec la foulard sur la tête, jeunes juifs à barbe maigre et chapeaux anachronique, groupes d'Américains prospères, d'Italiens plaintifs, d'Espagnols braillards, couples d'étudiants mexicains ou colombiens tenant leurs cours contre la poitrine, Asiatiques habillés comme personnages de Matrix, mendiants fous parlant toute sorte de langues et créant autour de leurs personnes miséreuses un vide pestilentiel, comme si l'espace se déformait quand on frôlait lurs corps, astres solitaires du cosmos social. L'exotisme devenu routine."

"Mais je me sentais le plus lâche d'entre les lâches, paralysé par moi-même plus que par la violence des autres."

"Il y a quatre mois que je n'ai plus de nouvelles d'eux, c'est beaucoup maintenant que les êtres humains ne sont plus que la chair à canon dans la bataille des profits. La loyauté et l'expérience n'intéressent plus personne, on n'a plus le temps d'aimer son travail. Nous sommes tous de flibustiers, des tueurs à gages, pâture pour le chômage et la concurrence, ces deux bêtes nuisibles dressées  pour nous maintenir à notre place..."

"Après ce premier cargo, j'en pris beaucoup d'autres et c'est ainsi, sautant de bateau en bateau, que je transportait ma vie nulle part."

"'Les rêves ne sont pas une folie, Omar, au contraire. Tu sais que si tu empêches quelqu'un de rêver il devient fou? Le problème, c'est que la folie de ceux qui ne rêvent pas est mesquine et contagieuse, elle se présente toujours comme la chose la plus logique du monde.'"*

"Nous sortîmes enfin, il était presque sept heures et nous trouvâmes cette clarté froide et irréelle des petits matins après une nuit blanche."

"'Tu sais -me dit elle- toutes les peurs ne sont pas nocives. Certaines aident à se protéger de la douleur, à ne pas mettre la main dans le feu, à ne pas avoir un accident de voiture, à ne pas sauter par la fenêtre. Il y a des peurs qui aident à vivre.' Et qu'elle est celle qui peut t'aider à vivre avec moi? Telle était la réplique que j'imaginais, mais j'ai eu la bonne idée de ne pas la formuler à haute voix."

"Il n'y a pas pire ennemi des pauvres que le pauvre renégat, ni idiot plus idiot que l'ouvrier de droite."*

"' Je ne suis plus tout jeune, morveux, et dans quelques années je serai un vieux joto que plus personne n'aimera. Et tu imagines que tu as des problèmes d'amour? Deviens pédé et tu verras ce que c'est de vivre le coeur brisé.'"**

"'Je m'en tamponne qu'on puisse plus voir Sartre picoler à La Coupole. Paris n'appartient pas seulement aux poètes, aux peintres et aux philosophes, arrête tes conneries, il appartient aussi aux chauffeurs de taxi algériens, aux musiciens péruviens ambulants, aux épiciers chinois, aux concierges portugaises et aux maçons polonais.'"**

"'Je sais que le bonheur manque de prestige intellectuel. C'est sans doute plus intéressante d'écrire sur le malheur et de chanter la tristesse, je ne sais pas, mais si tu veux vraiment vivre, si tu ne veux pas être juste un survivant, tu dois te battre pour être heureux. Mais pour ça il faut du courage güey. Parce que le bonheur peut aussi se perdre, une blessure que la plus part des gens préfèrent s'épargner.'" **


*Le père d'Omar
**La Reina

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