Souffle, de Jules Supervielle



Dans l'orbite de la terre,
Quand la planète n'est plus
Au loin qu'une faible sphère
Qu'entoure un rêve ténu,

Lorsque sont restés derrière
Quelques oiseaux étourdis
S'efforçant à tire d'aile
De regagner leur logis,

Quand des cordes invisibles,
Sous des souvenirs de mains,
Tremblent dans l'éther sensible
De tout le sillage humain,

On voit les morts de l'espace
Se rassembler dans les airs
Pour commenter à voix basse
Le passage de la Terre,

Rien ne consent à mourir
De ce qui connut le vivre
Et le plus faible soupir
Rêve encore qu'il soupire.

Une herbe qui fut sur terre
S'obstine en vain à pousser
Et ne pouvant que mal faire
Pleure un restant de rosée.

Des images de rivières,
Des torrents pleins de remords
Croient rouler une eau fidèle
Où se voient vivants les morts.

L'âme folle d'irréel
Joue avec l'aube et la brise
Pensant cueillir des cerises
Dans un mouvement du ciel.

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